B.F.C. DYNAMO. Stasi, drugs aber nicht rock'n'roll.


B.F.C DYNAMO 1978-79

C'est sans aucun doute à l'époque le club le plus haï de la RDA, et aujourd'hui encore de l'Allemagne réunifiée. Dynamo Berlin porte sur les épaules le poids d'un lourd passé nourri à la tricherie, au dopage et au diktat imposé par ses dirigeants trop proches d'un régime liberticide. Pour les fans de football en Allemagne de l'Est, Dynamo est avant tout l'organe sportif de l'appareil d'état, le symbole d'un pouvoir répressif qui représente le ministère de la sécurité d'état (Ministerium für Staatssicherheit), la redoutable Stasi et son vaste réseau d'agents officiels et informateurs qui compte environ 266.000 membres lors de sa dissolution en 1989. Dans un pays de 16 millions d'habitants, le ratio est de 1 pour 60 ! De quoi donner des sueurs froides aux opposants au régime, ces traîtres avides de liberté qui lorgnent de l'autre côté du rideau de fer, à l'Ouest, vers le fascisme et l'impérialisme capitaliste. No future for you in GDR ! Et dire qu'ils appelaient ça la démocratie populaire.

Les racines du Dynamo remontent à la création de la RDA, au lendemain de la IIème Guerre Mondiale et la division de l'Allemagne par les Alliés (1949). Sous le patronyme SG Deutsche Volkspolizei Berlin, cette organisation sans réelle prétention n'est rien d'autre qu'une association sportive pour permettre aux agents de la Stasi de se défouler le dimanche matin sur les terrains mouillés par la rosée. L'équipe vivote dans la une ligue obscure de Berlin-Est jusqu'à une première fusion avec SG Volkspolizei Potsdam. Nous sommes le 27 mars 1953, la date officielle de la naissance du club qui s'appelle désormais Sport Vereinigung Dynamo (S.V Dynamo). Un an plus tard, sous la pression du chef de la Stasi Erich Mielke et par les pratiques douteuses et typiques en Allemagne de l'Est, le club fusionne à nouveau dans le but de former une équipe compétitive. Mielke et ses sbires trouvent la combine, imparable, en décidant de transférer la totalité des joueurs du Dynamo Dresden, le champion sortant, dans son effectif. Sous un nouveau nom, S.C Dynamo (Sport Club Dynamo) devient omnisport et entame sa lente mutation avant de devenir ce monstre tentaculaire qui n'hésite pas à écarter les rivaux locaux, toujours selon les méthodes arbitraires du chef de la Stasi. C'est ainsi qu'en juillet 1971, afin de laisser place à un seul club d'élite dans Berlin-Est, Erich Mielke ordonne le transfert du Vorwärts Berlin vers Francfort sur Oder, à quelques coups de rames de la frontière polonaise. Comme il ne cessera d'appauvrir l'autre rival, F.C Union, le club des syndicalistes, en le pillant systématiquement de ses meilleurs éléments. Des pratiques qui ne souffrent aucune contestation de la part de ceux qui les subissent, au risque de finir dans les geôles du 103 de la Ruschestrasse, mais n'apportent néanmoins pas les résultats escomptés au début. S.C Dynamo doit-il ainsi se contenter d'une coupe nationale en 1959. Bien maigre consolation au vu des efforts déployés par ses dirigeants.

- Saisons 1979/80 - 80/81 et 82/83 -

Au mitan des sixties, le football est-allemand connaît une réforme. Les clubs, inclus dans des organismes sportifs, deviennent indépendants (mais toujours sous le contrôle de l'état). Tous changent d'appellation - les S.V et les S.C sont mis au rencard - et la formation de la Stasi devient officiellement B.F.C Dynamo (Berliner Fußballclub Dynamo). C'est l'acte II de l'histoire du club (1966) qui inaugure son nouveau statut par une relégation la saison suivante. Après une année au purgatoire, les exercices se suivent et ressemblent pour l'équipe au maillot grenat au cours des années 70. Malgré les astuces de Mielke, son club navigue en milieu de tableau et ramasse de trop rares accessits (2ème en 1972 et 76, 3ème en 78). Mais après les vaches maigres, sonne enfin l'heure du triomphe des 80's et les 10 titres consécutifs (de 1979 à 88) obtenus au mépris de l'étique sportive. A commencer par les méthodes de récupération des joueurs, la plupart dopés sans le savoir aux boissons douteuses ou pilules présentées comme des « médicaments de confort » ! En 2004, Falko Götz, licencié au club de 1979 à 83, concède avoir « ingurgité des substances dopantes à [s]on insu ». Ils sont une bonne quinzaine dans l'équipe à subir le même sort, et dans les autres disciplines (natation, athlétisme...) tous s'indignent des mensonges de leurs entraîneurs, eux-mêmes instrumentalisés par les chefs du régime qui avaient inclus le dopage d'état dans leur programme. Au moins sur ce point, les sportifs du pays dansent-ils sur un pied d'égalité. Mais il est écrit quelque part dans les bureaux de la fédération est-allemande que certains doivent réussir mieux que d'autres dans leur domaine. Surtout s'ils représentent les hautes sphères de la nation. Aussi, B.F.C Dynamo est-il le seul club en RDA à bénéficier d'un centre de formation financé et autorisé à pratiquer des transferts, non pas dans un cadre économique comme il se pratique partout aujourd'hui, mais pour des raisons de concentration du pouvoir. En gros, les meilleurs joueurs du pays sont sommés de jouer sous le maillot grenat et servir la cause du communisme en faisant quelques rapports sur leurs collègues et/ou concitoyens. Mais la domination du club de Berlin-Est pendant la période 79-88 n'est pas seulement le fruit d'une concentration de talents. Les victoires accumulées par le Dynamo (une série de 36 matches sans défaite entre 1982 et 83 notamment) résultent aussi du comportement des arbitres soumis à l'obéissance et la volonté de Mielke. Adolf Prokop, arbitre international de 1958 à 88 (il a participé aux J.O de Montréal 1976, aux coupes du Monde 78 et 82, aux Euro 80 et 84 et dirigea les finales de coupe UEFA 81, de la coupe des vainqueurs de coupe 84) est aussi connu pour son manque de neutralité sur les matches du Dynamo. Sans doute à cause de sa condition d'officier en mission spéciale de la Stasi, une fonction secrète qu'il mène en parallèle à sa carrière au sein des fédérations de RDA et de la FIFA. Le point culminant de cette manipulation organisée remonte à la saison 1985-86. Un épisode connu en DDR qui porte même un nom: « la peine honteuse de Leipzig ». Dynamo et Lokomotive se disputent le titre de bout en bout cette année-là. Mais au moment où les deux équipes se rencontrent pour le compte de la 18ème journée (26 au total), l'arbitre Bernd Stumpf a déjà une idée sur le résultat du match avant même le début des hostilités. Leipzig ouvre rapidement la marque mais doit ensuite faire face au 12ème homme du B.F.C, qui expulse d'abord un joueur local à 10 minutes du terme de la rencontre, ajoute du rab' au temps réglementaire, et accorde finalement un pénalty imaginaire qui conduit à l'égalisation de son équipe à la 95ème minute ! Inutile de préciser que Stumpf est aussi un agent de la Stasi et qu'il agit pour le compte de son patron. Les vagues de protestation qui balayent le pays les jours suivants la rencontre forcent l'état et la fédé à prendre une décision. L'arbitre est éconduit (tout en continuant son travail de l'ombre sous le pseudo « Peter Richter ») mais Dynamo remporte le titre à la fin de la saison. And justice for all...

- Saisons 1984/85 - 85/86 - 86/87 -

A la chute du Mur, B.F.C Dynamo paie cependant un lourd tribut à son passé douteux. Le club est rebaptisé F.C Berlin et relégué dans les divisions inférieurs du championnat d'une Allemagne réunifiée (1990). En 2004, ses dirigeants demandent auprès de la Deutscher Fussball Bund l'autorisation de porter trois étoiles sur son maillot, correspondant à la reconnaissance de ses 10 titres en Oberliga. La DFB accorde une étoile pour 3 titres, deux pour 5, 3 pour 10... Aucune réponse de la part de la plus haute institution du foot allemand. Sans se laisser démonter, comme au bon vieux temps de la république socialiste, ostalgie quand tu nous tiens, les patrons du F.C Berlin impriment eux-mêmes cette distinction. Une méthode « do it yourself » qui provoque un vif émoi dans le pays au vu de la nature et des conditions dans lesquelles le club berlinois a conquis ses trophées. Et cette blessure pas encore cicatrisée, toujours à vif, provoquée par Erich Mielke et sa police secrète qui n'hésitaient pas à éliminer les traîtres de son équipe passés à l'Ouest. La mort de Lutz Eigendorf, joueur du Dynamo de 1974 à 79, suscite encore de nombreuses interrogations et révèle les méthodes de la Stasi, toujours en première ligne pour les coups bas, sans trop laisser de traces.

- Saisons 1987/88 - 88/89 - 89/90 -

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