BIO EXPRESS DEGRADABLE. Johnny Rep.


A soixante-ans passés, Johnny Rep est l'idole de toute une génération avec sa tête d'ange, ses cheveux blonds et son sourire de crooner. Une vedette comme on dit à l'époque, consacrée en France, notamment du côté de Sainté, par le single éponyme de Mickey 3D, et sur l'île de Beauté où ses exploits européens sont encore gravés dans toutes les mémoires des supporters bastiais. Johnny-belle-gueule c'est la star étrangère du championnat de France, le footballeur-total Oranje 74, un label issu de la révolution Ajax des 70's, qui n'hésite pas à enregistrer un 45trs (« Singing in the morning / « Hey Johnny ») à l'époque où Michael Furnon gratouille ses premiers accords. Un people qui brise à la fois le cœur des jolies filles, de son regard à la Robert Redford, tout en conservant un esprit rebelle parmi ses illustres partenaires de club, des monstres de la profession comme Cruyff, Kempes, Platini ou Jean-Louis Zanon.

Originaire de Zaandam, dans la banlieue industrielle d'Amsterdam, John Nicholaas Rep ne tarde pas à combler le vide laissé par un père exportateur de primeurs, laissant sa femme élever seule les trois enfants du foyer. Très vite, John Nicholas et ses frères Martin et Robby deviennent les petites frappes du quartier et multiplient les conneries avec les copains : « J'étais un grand bandit. Tout ce qui était interdit, je le faisais. J'ai donné beaucoup de soucis à ma mère. Elle a souvent tremblé ». Une éducation en mode libre. John Nicholaas trouve un pseudo de rang, Johnny, et déconne à l'école qu'il largue à 16 ans après quelques démêlées avec le dirlo, un certain Van Veen : « Personne ne l'aimait. C'était un vrai SS. Je me souviens comme si c'était hier du jour où il a levé la main sur moi. Je n'ai pas pleuré, mais j'ai rêvé de vengeance ». Un truc qui le travaille encore des années après les faits, quand il rend visite aux parents dans la maison familiale et croise parfois le regard du tyran dans la rue, les dents serrées: « Je ne le salue pas. J'ai même envie de lui mettre mon poing dans la figure ». Le bahut derrière lui, Johnny Rep se consacre entièrement à sa passion, le football, au sein du F.C Zaandam tout en chargeant des caisses de primeurs pour papa.

Johnny Rep à Ajax.

Une première licence à 8 ans parce que « le maillot de Zaandam était rouge et blanc. Comme celui d'Ajax ». L'équipe dont il rêve en secret de porter les couleurs qui le contacte un soir à la maison, après un match de juniors contre Haarlem que son oncle et deux dirigeants ajacides sont venus espionner incognito. A 16 ans, Johnny Rep réalise son rêve d'ado et signe un premier contrat de stagiaire à 17. Deux ans à faire ses classes dans la réserve et Johnny obtient la récompense: un contrat pro à 19 ans, et une idée bien en tête, nullement complexé par la présence des Cruijff, Neeskens, Haan, Suurbier : « Je pouvais vivre du football. Il me restait néanmoins à faire le plus difficile: m'imposer au plus haut niveau ». Sa première chance d'atteindre son objectif, Kovacs lui donne lors d'un match amical contre Mönchengladbach. Plusieurs titulaires sont blessés, l'entraîneur est obligé de puiser dans la réserve. Un baptême plutôt mitigé pour le joueur : « Nous avons perdu 3-0. Je n'étais pas satisfait de moi. J'avais la désagréable impression d'avoir laisser passer une belle occasion de m'imposer ». Le sorcier roumain à l'humour des Carpates - « Johnny est un gentil garçon, surtout quand il dort! » - laisse effectivement mariner le jeunot sur le banc, comme en ce 28 septembre 1972. Ajax et Independiente s'affrontent en finale de la coupe intercontinentale. Rep remplace Swart et colle deux buts. Ajax s'impose. Johnny savoure : « Ce soir là a été le premier grand moment de ma carrière. Ma première grande joie. Mon premier doublé en match officiel avec les professionnels » mais Kovacs s'obstine. Pendant plusieurs mois, Johnny joue les coiffeuses à son grand étonnement et la surprise des dirigeants, obligés d'intervenir en faveur du joueur qui obtient réparation par la suite au cours de la saison 1973-73 où il devient un titulaire indispensable. Une année exceptionnelle pour l'ailier qui marque en finale de la coupe d'Europe des clubs champions (victoire 1-0 contre la Juve), remporte le championnat avec Ajax et connaît les honneurs de la sélection. Une première contre l'Espagne avant son nouvel objectif; la coupe du Monde 1974 en Allemagne : « Un événement que je ne voulais manquer à aucun prix ». Un tournoi magique pour la Hollande et Rep, titulaire (4 buts), brisé par le réalisme allemand en finale : « Aujourd'hui encore, j'ai du mal à comprendre ce qui s'est produit. Pourquoi nous sommes passés à côté. Nous n'étions ni fatigués ni saturés. Michels nous avait mis en garde. Nous avons pêché par excès de confiance. Ce pénalty marqué d'entrée de jeu nous a fait plus de mal que de bien. Il a renforcé notre conviction. Dans notre esprit, l'Allemagne était K.O. Nous avions déjà triomphé. Nous avons peut-être oublié qu'il restait quatre-vingt neuf minutes à jouer ». Une explication à chercher peut-être du côté des orgies organisées par les joueurs à leur hôtel lors de leur séjour allemand. Johnny Rep ne cherche aucune consolation, qu'il ne trouve plus en club.

Cruyff parti au Barça, suivi de Neeskens, Keizer, Haan, Muhren, Ajax perd son football et son premier match à domicile depuis 1969 le 23 février 1975 contre F.C Amsterdam. A la fin de la saison, Johnny Rep prend le large pour l'Espagne et Valence, afin de remettre un peu de soleil à son palmarès. Une expérience mitigée - les résultats sont décevants - qui se solde par un départ en claquant la porte deux ans plus tard, après quelques accrocs avec son coach, Herriberto Herrera, et une dernière engueulade du président à fin d'un match contre Sarragosse (saison 76-77) : « Il m'a reproché d'avoir manqué un but et accusé d'avoir été payé pour ça. C'en était trop. Je n'en pouvais plus, je voulais partir ». En vacances, Rep étudie les propositions: AZ'67, Cologne. C'est finalement à Bastia que le Néerlandais débarque au début de la saison 1977-78. Un joli coup monté par le directeur sportif Jules Filippi, pat hibulaire mais presque - « J'ai eu aussitôt confiance en lui, malgré son apparence » - grâce à une pirouette financière - « Pour mon transfert, il a réussi à obtenir l'aide du Club Méditerranée, qui était le sponsor de l'équipe » - et une petite ruse locale à l'encontre des joueurs étrangers qui déboulent dans la région : « J'ai demandé plusieurs fois à Jules de me montrer le stade. A chaque fois, il a trouvé une excuse pour échapper à cette corvée. Sans doute pensait-il que je n'aurais jamais signé mon contrat si j'avais vu Furiani. Je m'étais tout de même tenu au courant. En Hollande, j'avais obtenu certains renseignements. J'étais prévenu. Et l'important, c'était que je connaisse la valeur de l'équipe ».

Johnny s'impose rapidement en Corse où le soleil brille plus qu'en Espagne finalement. Cinquième du championnat, Bastia réalise un brillant parcours en UEFA, ne s'inclinant qu'en finale devant les compatriotes du PSV Eindhoven. Pour sa première saison avec le Sporting, Rep est plutôt gâté malgré quelques prises de tête avec son coéquipier François Félix qui l'accuse de lui préférer Krimau sur le terrain - « Jamais je ne pourrai l'oublier. Elle a été trop belle. Cela reste un souvenir merveilleux » - d'autant qu'il doit participer à sa seconde coupe du Monde en Argentine. Comme quatre ans plus tôt, la Hollande atteint la finale et sort vaincue par le pays organisateur. Une défaite (3-1) qu'il impute à l'homme en noir : « Avec le recul du temps, je pense que nous n'aurions jamais pu remporter cette finale. Je suis certain que l'arbitre aurait trouvé un prétexte pour nous refuser un deuxième but, car il savait qu'il ne serait pas sorti vivant du stade ». Johnny ne le sait pas encore. Il ne jouera plus de phase finale de coupe du Monde, barré notamment par la France lors des qualifications au mondial en Espagne. La saison suivante, Bastia ne confirme pas les résultats de l'année précédente et flirte avec la relégation (14ème). Les caisses du club sont vides et Rep d'être placé sur la liste des transferts.

Strasbourg et Marseille sont sur les rangs mais c'est Pierre Garonnaire qui remporte la mise. Johnny Rep arrive à St-Etienne en juillet 1979 où il cohabite avec l'autre star de l'équipe: Michel Platini. Une collaboration (de 1979 à 82) en demi-teinte marquée par un seul titre, le championnat de France 1981, quelques exploits européens (victoires contre le PSV et Hambourg) ternies par des gifles monumentales à Geoffroy-Guichard (Monchengladbach et Ipswich) et les défaites en finale de coupe de France contre Bastia et PSG. Herbin accuse le Batave de choisir ses matches, principalement en coupe d'Europe ou à la veille des convocations internationales, et ralentir l'équipe. Pas trop d'accord non plus avec la volonté du président Rocher de stariser le club. Pris dans l'affaire de la caisse noire (1982) et la guerre désormais ouverte entre Herbin et Rocher, Johnny Rep quitte une formation stéphanoise en pleine tourmente au cours de la saison 1983-84, fuyant à l'occase le fisc français qui lui demande des comptes et pas uniquement sur son statut de meilleur buteur en coupe d'Europe (11 buts) devant Hervé Revelli (10), Platoche (9) et Jean-Mimi (7). De retour au pays, Johnny Rep s'installe à Zwolle. Une pige d'un an avant de rejoindre Feyenoord (1984-86), champion en titre, et terminer sa carrière sur un dernier gospel à Haarlem (1987). Depuis, Johnny profite de la retraite et du printemps, sa saison préférée, surtout « en avril, quand le soleil caresse les premiers bourgeons ». Là normalement, Johnny Rep enlève son pantalon comme dans la chanson de Furnon.

- LA RETRO PHOTO DE JOHNNY REP EN FRANCE -




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