BIO EXPRESS DEGRADABLE. Petar Borota.


Le sens du spectacle, la prise de risque, Petar Borota connaît ça sur le bout de ses gants. Pas toujours à son avantage d'ailleurs. A une époque où le rôle du gardien de but se cantonne à l'intérieur de ses 16 mètres, le portier serbe - il est né à Belgrade le 5 mars 1952 - innove et n'hésite pas à improviser, quitte à sortir hors de ses bois, pour filer un peu de plaisir au public. Un artiste comme la plupart des joueurs yougoslaves qui s'exprime avec des dribbles dans la surface ou des talonnades sur sa ligne de buts. Dans les tribunes Petar fait le buzz, mais sur le banc ses entraîneurs frisent l'attaque cardiaque à chacune de ses interventions. Un style de jeu singulier qu'il défend avec tact et sérénité, des qualités appropriées pour un gardien : « J'ai l'habitude de quitter ma ligne pour évaluer le danger et fais ce qu'il y a de mieux selon les circonstances, à l'intérieur ou en dehors de la surface. Ma tête, mes pieds, mon cul sont aussi importants que mes mains pour arrêter la balle. J'ai toujours joué comme ça et ne changerai jamais ». Têtu comme une bourrique, Petar impose ainsi son style - le gardien fait partie du jeu - et donne par la suite des idées aux autres, avec plus ou moins de réussite selon les cas.

C'est à l'OFK Belgrade que Petar Borota débute sa carrière et devient professionnel à 19 ans, l'année où Chelsea remporte la coupe des coupes. Coïncidence ? Le portier serbe ne le sait pas encore et évolue durant six saisons (1969-75) à l'ombre des deux grands clubs rivaux de Belgrade, squattant au passage une place de titulaire chez les espoirs yougoslaves. De quoi attirer l'attention des recruteurs du Partizan qui lui offrent un contrat dès 1976 après une saison blanche (1975-76) à servir sous les drapeaux. La tête froide comme une guerre entre les deux blocs Est/Ouest, Borota gagne sa place sous les ordres de l'entraîneur Biće Mladinić. Le Partizan perd son titre au profit de l'Étoile Rouge au cours de la saison 1976-77 qu'il conquiert à nouveau lors de l'exercice suivant (1977-78). Une saison durant laquelle Petar brille dans les cages avec une défense de fer emmenée par le futur Monégasque et Montpelliérain Nenad Stojković, encaissant seulement 19 buts en 34 matches. Un titre qui en appelle d'autres. La même année, le Partizan remporte la Mitropa Cup, compétition européenne des pays d'Europe Centrale, aux dépens du Honved Budapest (1-0). Une saison faste pour Petar qui ouvre son compteur international avec la sélection yougoslave contre la Hongrie le 5 octobre 1977 et participe à l'étonnante victoire de la Yougoslavie sur la Roumanie (4-6) à Bucarest un mois plus tard, qui replace l'équipe dans la course aux qualifs à la coupe du Monde 1978 à la veille de recevoir l'Espagne.

Son style peu académique n'inspire cependant pas trop les dirigeants de la Fédération yougoslave qui renoncent finalement à en faire leur n°1 dans les caisses. Borota n'ira pas plus loin que ses quatre capes internationales, sans doute bloqué par ses facéties qui lui valent parfois quelques déboires mémorables, notamment au cours de la saison 1978-79. Lors du 1er tour de la C1 face au Dynamo Dresden alors que le Partizan a fait l'essentiel sur son terrain à l'aller (2-0), Petar bouffe la feuille de match au retour dès le début de la rencontre. Pensant obtenir une sortie de but après un sauvetage dans sa surface, le portier serbe place le ballon sur la ligne des 6 mètres et prend de l'élan pour tirer. Beaucoup trop. L'arbitre n'ayant rien sifflé en fait, l'attaquant du Dynamo Hans-Jürgen Dörner en profite alors pour marquer dans le but vide. A l'issue du match, Partizan est éliminé aux pénalties. The show must go on deux mois plus tard à l'occasion du derby contre l'Étoile Rouge. Borota pense obtenir un coup-franc dans sa boîte à la suite d'une charge adverse et pose la balle à terre. Quelques pas d'élan. Même cause même effet. Miloš Šestić s'empare du ballon et marque à la grande surprise de Borota qui n'a pas fini de monter aux filets durant cette rencontre (1-3 pour l'Étoile). Deux bourdes qui entament la confiance de l'entraîneur Mladinić et le pousse à la démission deux semaines plus tard. Florijan Matekalo prend les rênes de l'équipe. Petar devient persona non grata et cire le banc. Le Partizan évite de peu la rélégation (15ème) et en profite pour faire le vide en vendant son gardien à Chelsea avant la fin de la saison.


Petar Borota arrive à Londres en mars 1979 et débute sous ses nouvelles couleurs le 4 du même mois contre Liverpool. Les Blues sont dans la dèche à l'époque et cherchent un digne successeur au légendaire Peter Bonetti. Les cinq matches suivants sonnent comme autant de défaites, dont un 6-0 face à Nottingham Forest, et Chelsea est relégué en deuxième division. Borota ne cherche pas d'excuse mais trouve une explication au problème, cette foutue barrière de la langue : « Tous les footballeurs ont des difficultés quand ils vivent et jouent à l'étranger. Pour moi, la langue est un gros problème parce que les gardiens doivent tout le temps parler à leurs défenseurs. Si en plus ils ne savent pas comme je joue, il peut y avoir quelques erreurs ». Dont acte. Petar Borota s'intègre ensuite parfaitement à la vie londonienne et à Chelsea qui loupe d'un cheveu la montée la saison suivante (1979-80) en échouant à la quatrième place. En 1980-81, Geoff Hurst, le manager des Blues, le désigne capitaine de l'équipe. Une promotion qui requinque Borota qui réalise une grande saison ponctuée par une invincibilité de 16 matches et le titre honorifique de joueur de l'année du club (1980-81). Petar explose comme un feu d'artifice à Chelsea mais garde la tête sur les épaules, commentant son nouveau statut avec une grande prudence, contrairement à ses errements sur le pré : « Mon travail est de bien jouer, faire plaisir aux dirigeants et rendre les gens heureux. Chaque match est comme un film où il se passe toujours quelque chose de nouveau ». Pour la nouveauté, le film des Blues prend cependant du retard puisque Chelsea termine 12ème les deux saisons suivantes (1980-81 et 81-82). C'en est trop pour les dirigeants du club londonien qui visent la montée et portent la responsabilité de l'échec sur Borota et son comportement sur le terrain. Petar file alors à Brentford, en banlieue, où il n'a guère le temps de laisser éclater son talent puisqu'il rejoint le Portugal et Portimonense dans la foulée (1982-83). Quelques apparitions ci ou là, Borota signe ensuite à Boavista (1983-84) mais n'a plus du tout la confiance de ses coaches. Encore la barrière de la langue sans doute, ou son style. Au Portugal, Borota fait du tourisme et termine sa carrière en roue libre tout en défendant son image : « Mon style de jeu n'est pas une plaisanterie. Je ne suis pas fou. Sur un terrain, je suis concentré pendant 90 minutes et passe par toutes les émotions. Quand le match est terminé, ma tête est vide ». Comme celui qu'il laisse aux yeux de ses fans et de tous ceux qui l'ont côtoyé. Le 12 février 2010, Petar Borota meurt d'une longue maladie à Gênes. La dernière facétie d'un gardien qui n'en avait pas beaucoup dans sa surface.


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